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Qu’est-ce qu’un Clone? (partie 2)

Qu’est-ce qu’un Clone? (partie 2)

Cet article est rédigé sous la forme d’un jeu de question-réponse entre l’auteur et l’apprentie Caviste de la Station viticole Mlle Alexandra Burnier. Sa famille possède un vignoble de 50 ha dans le Caucase Russe, en bordure de Mer Noire ainsi que le domaine familial situé dans le Vully fribourgeois.

Tendance

Qu’est-ce qui pousse les chercheurs à créer des variétés nouvelles? La tendance Bio? Le réchauffement climatique?

Comme expliqué dans la première partie, la recherche sur les nouveaux cépages métis est terminée, en principe, car il y a suffisamment de cépages dans le monde (> 6'000 vitis vinifera). On s’oriente principalement vers la création de cépages résistants, dits «interspécifiques» qui sont des croisements entre cépages européens, asiatiques et américains. Donc clairement la recherche se fait dans le sens d’une gamme de cépages ne nécessitant que peu ou pas de traitements. C’est un parti pris. Rien n’empêche dans ce cadre de sélectionner des précocités permettant de s’adapter aux différents climats ainsi qu’au réchauffement actuel.

Quels sont/seront leurs objectifs ?

En s’appuyant sur les recherches et nouveaux cépages déjà obtenus, les obtenteurs cherchent à pyramider les résistances, ceci en recroisant entre elles les obtentions d’Agroscope et celles de l’Institut de Colmar.

En clair: avoir plusieurs sites de production de molécules inhibitrices de chaque champignon, principalement: mildiou, oïdium et botrytis.

Il s’agit de phytoalexines stilbéniques: resvératrol; l’ε- et la δ-viniférine et le ptérostilbène, qui sont toxiques pour les champignons pathogènes et sont produites par la vigne elle-même.

La connaissance de ces substances permet de mettre au point des tests génétiques qui sont capables de détecter, chez les nouveaux cépages, de manière très précoce, une activité de résistance. On gagne ainsi un temps considérable par rapport à la simple observation.

On va fortifier les résistances, mais en brassant les cartes on va vers l’inconnu, notamment au niveau de la typicité et du goût de ces cépages.

À ton avis, d’ici dix ans, combien y aura-t-il de cépages résistants en Suisse?

Je ne suis pas prophète! Comme déjà dit, depuis le croisement jusqu’à la mise sur le marché d’un nouveau cépage, il peut se passer entre vingt et trente ans. Il faut encore 4 ans pour avoir une récolte valable qu’il faudra vinifier, mettre sur le marché, populariser… donc près d’une génération humaine. D’ici là, le climat et les goûts des consommateurs peuvent avoir largement changé. C’est un travail d’anticipation à long terme.

Il y a actuellement 400 nouveaux clones testés entre Agroscope et Colmar…

Pour répondre à ta question, je ne pense pas qu’il y aura plus de 4-5 cépages résistants en quantités significatives sur le marché du vin en Suisse.

Divico & Divona

Penses-tu que Divico et Divona sont adaptés à toutes les régions de la Suisse?

Clairement, le Divona est trop précoce pour le Valais et pour toutes les régions bien exposées de chaque vignoble. 

Pour ce qui est du Divico, il a une appréciable marge d’adaptation; en plus, les cépages rouges peuvent se vinifier de différentes manières: vins rosés, primeurs, de garde, sous bois, etc.

Résistance 

Y a-t-il un risque que Divico et Divona perdent leur résistance?

Oui. C’est pourquoi on conseille un à trois traitement (biocompatibles) autours de la période de floraison afin de ne pas épuiser la résistance naturelle. Certains hybrides ou cépages américains résistent depuis 150 ans, mais des obtentions italiennes mono-résistantes sont déjà affectées sévèrement par l’oïdium.

Se pourrait-il que ces nouvelles variétés résistantes rencontrent des résistances?

Comme je viens de te le dire, c’est le cas des hybrides mono-résistants trop hâtivement mis sur le marché. C’est pourquoi on poursuit la pyramidation. C’est un travail coûteux et de longue haleine, c’est pourquoi il est entrepris par la recherche publique et en collaboration internationale. 

Avenir

Peut-on imaginer un jour, de ne plus traiter la vigne en Suisse? 

Je ne crois pas, à moins d’abandonner totalement le trésor des variétés autochtones, et encore, certaines variétés résistantes nécessitent une protection ponctuelle afin de ne pas épuiser leur résistance. En revanche on peut traiter de manière plus respectueuse!

Oenologie

Peut-on imaginer un vin constitué à 100% de cépages issus de zones tampons?

Rien ne l’empêche. Cela demande simplement un surplus de travail de regrouper les raisins de toutes ces petites zones. En effet, Divico et Divona peuvent être plantés près des cours d’eaux, des forêts, des écoles ou des habitations afin de limiter les nuisances.

Du point de vue œnologique, est-il possible d’atteindre une grande complexité avec ces nouvelles variétés? Que faut-il pour cela?

On ne remplacera pas le Chasselas et le Pinot Noir pour la subtilité et la révélation des terroirs. Les blancs sont souvent aromatiques et riches, les rouges sont très colorés et souvent épicés. Nous avons encore à apprendre et c’est pourquoi beaucoup de types de vinification différents sont tentés. Une vitrine de ces réalisations: La Fête du Divico de Bramois qui réunit des vins de toute la Suisse.

Patrimoine culturel et typicité

Y a-t-il un risque que les cépages traditionnels soient remplacés par les interspécifiques?

À moins d’une interdiction totale des traitements antiparasitaires, je ne pense pas. Il y a un fort atavisme dans la population pour les variétés actuelles. Mais comme je te l’ai dit, il faut une génération pour qu’un nouveau cépage soit sur le marché en quantité. Dans vingt ans, les amateurs de vin auront-ils les mêmes goûts ? À noter que les AOC ancrent les cépages de manière contraignante dans les appellations (ex. Gamay du Beaujolais, Syrah de Côte Rôtie ou Pinot Noir en Bourgogne).

Recherche actuelle

Nous avons dégusté à Agroscope des essais de nouveaux cépages français. Quels sont leurs noms?

Il s’agissait de Floreal, Voltis et Artaban.

Nous avons dégusté ces cépages purs et ensuite les croisements de ceux-ci avec Divico et Divona. 

Les clones pyramidés de cette génération seront disponibles en 2028.

Est-il possible d’acheter des vins de Floreal, Voltis et Artaban?

Non, pas encore.

Est-il déjà possible de les planter en Suisse?

Uniquement dans les domaines expérimentaux.

Question personnelle

Si tu pouvais créer un clone, quelles seraient ses caractéristiques?

En bref: même si je suis un amoureux du Chasselas et du Pinot, ce clone serait résistant et posséderait la vivacité et les arômes de la Petite Arvine!

Merci Alexandra pour ton intérêt et tes intelligentes questions!

Yves Dothaux

Responsable du laboratoire œnologique

À la Station viticole cantonale

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