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Qu’est-ce qu’un Clone? (Partie 1)

Qu’est-ce qu’un Clone? (Partie 1)

Episode 1

Cet article est rédigé sous la forme d’un jeu de question-réponse entre l’auteur et l’apprentie Caviste de la Station viticole Mlle Alexandra Burnier. Sa famille possède un vignoble de 50 ha dans le Caucase Russe, en bordure de Mer Noire ainsi que le domaine familial situé dans le Vully fribourgeois.

Qu’est-ce qu’un Clone?

La sélection clonale vise à isoler un individu pour ses qualités exceptionnelles en vue de le multiplier à l’identique (même génome, donc même patrimoine génétique). Je développerai plus particulièrement l’aspect des végétaux. Pour ce qui est du monde animal, sans parler des phantasmes de mammouths ou de dinosaures ressuscités, la brebis Dolly fut le premier animal cloné le 5 juillet 1996.

Depuis quand le clonage est-il pratiqué?

La nature a mis au point un système original, un exemple: le «Stolon» du fraisier reproduit un individu identique par voie végétative. L’homme fait de même lorsqu’il multiplie à l’identique un cep de vigne par provignage ou bouturage. Reste l’opération de sélection.

Justement, comment sélectionne-t-on un clone et depuis quand?

Sans parler des chasseurs-cueilleurs qui sélectionnaient déjà les vignes sauvages entre celles qui produisaient du fruit et celles qui n’en produisaient pas, l’homme n’a cessé de sélectionner pour améliorer le rendement, que ce soit des fruits ou des céréales.

Ça n’est que depuis le XIXème siècle que l’on a commencé à sélectionner des plantes résistantes aux ravageurs (Phylloxera) ou aux maladies (mildiou et oïdium).

La résistance fut obtenue par croisement de la vigne américaine ou asiatique avec les variétés de l’espèce européenne (vitis vinifera). Devant l’échec qualitatif des vins produits avec ces cépages on s’est orienté vers la production d’hybrides servant de porte-greffes aux cépages «nobles» (vitis vinifera).

Durant une grande partie du XXème siècle on a procédé par sélection massale.

En quoi cela consiste-t-il?

Dans une vigne donnée de 3'000 ceps on commence par marquer en rouge ceux qui sont atteint de maladie, en jaune ceux qui sont suspects. C’est une sélection massale (sur la masse) négative. Quand on est sûr qu’il ne reste que des ceps sains non-marqués, on commence parmi ceux-ci une sélection massale positive. Sur la base d’un ou de plusieurs critères, à savoir: production abondante ou au contraire moyenne et régulière, ou précocité; c’est un travail complémentaire relativement difficile. Une fois celui-ci terminé, on dispose d’une sélection massale maison sur laquelle on pourra prendre des greffons. Admettons 100 ceps sélectionnés, en principe différents génétiquement les uns des autres, sur lesquels on va prélever 20 yeux pour les greffer. Cette sélection pourra être plantée sur un terrain neuf et constituera par exemple la sélection massale de Pinot Gris du Domaine des Cèdres à Cortaillod.

Et les clones dans tout cela?

On peut affirmer que cette sélection comportera une centaine de clones sur les milliers de ceps greffés chaque année.

Mais l’on peut continuer la sélection parmi les 100 ceps conservés et affiner le travail jusqu’à ne conserver qu’un individu. On pourra alors fêter l’avènements du Pinot Gris de Cortaillod 3-7-12 pour: 3ème parcelle du domaine, 7ème ligne, 12ème cep. Un clone unique ! Il permettra de perpétuer une qualité propre à ce domaine, à ce climat. À notre époque on effectue toutefois quelques tests en laboratoire pour être certain qu’il n’y a pas de problème au niveau sanitaire (maladies, viroses).

N’est-ce pas dangereux?

Il n’y a aucune manipulation génétique, juste une patiente sélection des travaux de la nature. Aucun danger donc, si ce n’est pour la diversité génétique qui s’appauvrit. Néanmoins de nombreuses réserves de diversité génétique sont constituées sous forme de collections ou de conservatoires dans les cantons. Les anciennes variétés sont également conservées.

Il est clair cependant qu’une population de différents ceps du même cépage est plus résistante qu’un seul individu. On ne connaît pas de gros dommage à l’heure actuelle sur les clones issus de végétaux, mais si l’on imagine une armée de blonds aux yeux bleus, il suffirait d’un brun enrhumé dans l’armée adverse pour décimer la première!

Il faut tout de même pondérer car les populations anciennes de cépages sont la plupart du temps virosées ou porteuses de maladies fongiques. Les clones certifiés sont des individus exempts de maladies problématiques. Par précaution on plante habituellement un mélange de différents clones sur une parcelle de Pinot Noir.

Combien y a-t-il de clones de Pinot Noir par exemple?

Il y a en France 47 clones commercialisés de ce cépage auxquels il faut rajouter quelques sélections suisses. Il y a même 800 clones non commercialisés de Pinot Noir dans différents conservatoires. En tenant compte de tous les cépages il y a 20'000 individus répartis dans 180 conservatoires régionaux.

Pratique-t-on encore le clonage en Suisse?

Attention, là tu veux parler de croisements pour obtenir de nouveaux cépage? Si c’est le cas, on ne procède plus par sélection mais par pollinisation. Il y a donc multiplication sexuelle. Contrairement à la plupart des fleurs, celle de la vigne ne peut pas être pollinisée par les abeilles. Le pistille est protégé par le capuchon. 

On doit donc l’enlever au moyen de brucelles spéciales, avant la maturité du pollen, retirer toutes les étamines et, à l’aide d’un pinceau, déposer le pollen de l’autre cépage, puis protéger toute la grappe (plus de 200 fleurs) au moyen d’un sachet.

Pour répondre à ta question: en fait, on n’a jamais arrêté les croisements, contrairement à la France qui a proscrit les hybrides et cessé le programme durant de nombreuses années. Mais à ce stade il faut rappeler un fondamental de l’hybridation viticole : la différence entre métis et hybrides.

Hybride = croisements de deux espèces botaniques différentes, qui n’ont pas le même nombre de chromosomes dans le cas des vitis vinifera et des vitis américains.

Métis = croisement de deux variétés de la même espèce, par exemple: Gamay et Pinot.

Après le phylloxera on a créé des hybrides en croisant des vitis américains et des cépages européens (vitis vinifera) dans le but de résister aux maladies. Une fois le greffage généralisé, le phylloxera n’est plus un problème et la priorité est donnée à l’authenticité des cépages du terroir. On commence alors les traitements fongiques pour protéger les cépages européens sensibles au botrytis, à l’oïdium et au mildiou.

On a continué les croisements -hybridation en biologie- entre vitis vinifera (cépages européens), dans le but d’obtenir de nouveaux cépages. Parmi les axes de sélection : la précocité, le rendement en sucres, une couleur plus soutenue.

L’institut de Freiburg in Breisgau en Allemagne a effectué de nombreux croisements et créé quantité de nouveaux cépages.

En Suisse, le Dr Jaquinet a travaillé sa vie durant à la création de nouveaux cépages adaptés au vignoble suisse. Sur le Domaine de Caudoz à Pully, dépendant à l’époque de la Station fédérale de recherche agronomique de Changins, sont nés le Gamaret, le Garanoir, le Mara, le Diolinoir, tous des métis.

Par la suite Jean-Laurent Spring a poursuivi le travail de métissage en croisant le Gamaret (naturellement résistant à la pourriture grise) avec bon nombre de cépages. Après des années de labeur et des milliers de croisements sont nés cinq nouveaux cépages qui sont par définition des clones:

Photo Agroscope 

Ce programme est maintenant terminé.

On a donc cessé la recherche de nouveaux clones?

Non, c’est tout le contraire! Un nouveau programme est né dont le but est de créer des variétés naturellement résistantes aux maladies courantes. On reprend les hybridations avec les vitis américains et asiatiques (vitis amurensis). On ne parle plus d’hybrides, qui ont mauvaise presse, mais d’Interspécifiques, pour croisement entre espèces.

Et là les choses vont plus vite. On a les moyens de tester les résistances en laboratoire. 

Un croisement de Broner de l’institut de Freiburg et de Gamaret (IRAC 2091) est déposé au Registre international des cépages sous le nom de Divico et est présenté en 2013. 

Il est issu d’une lignée de croisement de 27 cépages et produits des phytoalexines, substances servant à lutter contre les pathogènes. Il est très coloré et possède des caractéristiques organoleptiques proches du Gamaret.

D’ailleurs, Alexandra, tu l’analyses souvent puisque la Station d’Auvernier en a planté dans quatre parcelles différentes du village.

C’est le seul cépage résistant?

Non il y a sa sœur Divona, présentée en 2018, un cépage blanc aromatique que la Station vinifie également. Nous avons planté également du Souvignier gris (Cabernet Sauvignon X Broner). 

En revanche nous avons mis fin aux essais de Solaris, Léon Millot, Regent et Johanniter.

L’expérimentation des cépages obtenu par Valentin Blattner et multipliés par Philippe Borioli de Bevaix est également terminée. Il s’agissait de Cabernet Jura et Réselle (VB Cal 6-04).

Et à l’avenir?

Une nouvelle phase d’obtention est en cours. Elle implique une collaboration internationale entre les instituts suisses, allemands et français. Elle consiste à consolider les résistances. Tu as d’ailleurs déjà dégusté à Agroscope des vins issus de croisements entre Divico, Divona et les nouveaux cépages résistants français.

J’ai encore beaucoup de questions, notamment sur…

Merci de ton intérêt Alexandra, mais je crois que vu l’immensité du sujet nous y répondrons dans un prochain numéro!

La suite au prochain épisode...

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